mardi 27 décembre 2011

Queenstown, un lac de trop

Autoproclamée : "capitale mondiale de l'aventure", Queenstown, nous fit sérieusement douter de la pertinence de notre itinéraire à travers les Alpes néo-zélandaises. 
Plus grande et animée que sa consoeur Wanaka, elle en a tous les défauts, dopés par un aéroport international. Une grande perplexité nous envahit à mesure que nous découvrions la ville. Qu'étions nous donc venus faire ici?
Certes l'agglomération bénéficie d'un temps radieux et du magnifique lac Wakatipu, au pied de montagnes ceignant la ville de leurs sommets enneigés. Le centre-ville est un agréable Disneyland pour snowboardeur, ethnie majoritaire de la région. Ses ruelles fraîchement pavées, aux quelques édifices centenaires en pierre de taille, offrent tout ce dont peux rêver le touriste avide de sensations fortes pour sa carte de crédit : du sac Vuitton, en passant par les derniers skis qui-glissent-encore-mieux-qu'avant, au tour d'hélicoptère vous permettant d'inaugurer les-dits engins de descente massive. 

Luxe, fast-foods aux prix des gastronomiques et Starbucks finissent de brosser le tableau des principaux attraits de cette ville aux rues proprettes. Rajouter un tour en bateau sur le lac, en "jet-boat", ou sur un navire à roue à aube selon la résistance de votre estomac, si vous avez le malheur de ne pas skier et d'avoir réservé une nuit de trop à l'hôtel.

Que de mauvaise humeur allez vous me dire. Pourquoi ne pas appréciez le splendide panorama? Car oui tout cela est très beau.
Tout simplement parce qu'il faut jouer à dénicher les sentiers de randonnée, comme trop souvent dès qu'il y a trop d'entrepreneurs en "tourisme d'aventure" en Nouvelle-Zélande. Les montagnes semblent à portée de main et le tour du lac ferait envie aux plus renfrognés, mais en dehors de la voiture et des charters pour les pistes, point de salut. La pédestrophobie a encore frappé!
Après avoir dépassé les vastes étendus de lotissements neufs, et vides puis d'hôtels, nous finissons tout de même par trouver le chemin qu'empruntent les locaux pour promener leurs chiens et digérer. La ballade nous fait vite arriver aux premières plaques de neiges et aux froides bourrasques survolant la cuvette de Queenstown. Heureux et quelque peu transis nous apprécions tout de même la vue sur le lac et... les pistes de ski.



Face aux quais
Les remontées mécaniques en face de notre auberge

Les quais, ses boutiques nettes et ses chalets neufs


Un moa, autruche locale, exterminée rapidement par les premiers Maoris

Un héros néo-zélandais

En route vers le centre-ville

La banlieue de Queenstown au dernier plan





Pour des sensations "familiales"


Bref, faut-il aller à Queenstown pour un séjour réussi en Nouvelle-Zélande? Sans hésiter : non. 

Par contre si vous demeurez dans les îles du Pacifique, que vous souhaitez montrer la "neige" à vos enfants et que votre portefeuille est considérablement garni : la ville a été conçue pour vous!

Si vous voulez simplement avoir un aperçu de la région, Wanaka, moins chère, plus calme et tout aussi belle, (avec plus de ballades en prime!) vous comblera largement.
Sans compter que si vous espérez bien dormir et récupérer à Queenstown c'est raté! C'est la capitale de la fête dans l'île du sud et l'on vient de loin pour y célébrer. D'Invercargill dans le cas de nos voisins à l'auberge, à l'endurance spectaculaire en termes de voix, mais qui, enfin endormis, eurent à apprécier Rammstein à l'aube, dix minutes avant que nous ne partions prendre notre bus...

Notre voyage à travers les Alpes continuera cependant pour une dernière étape calme cette fois : Tekapo.


lundi 19 décembre 2011

Wanaka

 Les trajets en car se suivent et ne se ressemblent pas. Quittant la côte tasmanienne déchaînée et les forêts étranges des Westlands, le conducteur nous emmène à travers passes et plateaux pour rentrer de plein pied dans les Alpes du sud. La végétation se raréfie en accord avec le climat plus aride de ces montagnes, véritables murs pour les nuages. Plus aucune agglomération, seulement de loin en loin de rares fermes isolées et quelques vaches broutant, entre les plaques de neige éparses, les tussocks. Nous finissons par monter suffisamment haut pour laisser derrière nous les lacets raides et ne plus être entourés que de montagnes et de lacs creusés par d'anciens glaciers. La route se déroule alors sur les plateaux, droite et étroite, fil d'Ariane d'une dizaine de voyageurs dans un car trop grand. Les 7 heures de route ont été facilement avalées grâce au spectacle permanent du trajet.



Dernière vue de la mer de Tasmanie

Arrivée dans la région des lacs




Nous eûmes assez vite une étrange impression en débarquant du bus. Celle de nous retrouver en Europe, dans une station de ski. En effet, la végétation singulière de Nouvelle-Zélande nous dépaysa systématiquement à travers nos étapes, peu importe la taille de la ville et son type d'architecture. Les fougères et palmiers côtoient ainsi les édifices néo-classiques comme les bungalows et ornent les trottoirs comme les platanes chez nous. Ce décalage entre exubérance tropicale et ambiance victorienne fait tout le charme de villes comme Auckland ou Wellington. 
Wanaka, tout à l'inverse, nous offrit un environnement d'alpages, avec ses prés, ses feuillus, comme ses conifères. Les chalets entourent le lac, le centre-ville s'organise avec ses boutiques de ski, d'artisanat local et de location de kayak; bref on pourrait être n'importe où en Europe ou en Amérique du Nord. La faune des touristes le prouve bien : les accents britanniques croisent allègrement les Allemands en goguette ou les Français traînant dans les réceptions des auberges. Tout ce beau monde se retrouve en tenue de ski, rivalisant de fluos sur leur manteaux-sacs-poubelles, dans des supermarchés dont les prix tutoient l'épicerie fine.

Wanaka-les-bains

Sur la route du backpacker


Heureusement Wanaka c'est aussi un lac aux eaux pures, des prés, des vignes et des pâturages enchanteurs sous un ciel rarement troublé. 


Deux jeunes autochtones

Nous commençons ainsi notre séjour par l'ascension du mont Iron surplombant la ville. Courte ballade de deux heures nous permettant de découvrir les environs le soir de notre arrivée. Là encore, comme dans toute la Nouvelle-Zélande ce parc naturel est en excellent état, tant au niveau des sentiers que de la propreté des lieux.




Les parcs naturels déploient beaucoup d'effort en terme de pédagogie
                       

                       

                       


Revenus  rafraîchis et revigorés par cette ballade venteuse, nous participons le soir à une activité, banale ailleurs, que les wanakiens ont su personnaliser : une séance de cinéma. 
Centre de la vie culturelle de cette petite ville de 5000 habitants, le cinéma Paradiso de Wanaka présente en effet tout du centre communautaire chaleureux. À la fois centre d'informations et de promotions sur le recyclage, salle des associations en tout genre, dont les très actives  associations de tricot et de théâtre, le cinéma de Wanaka permet aux touristes de passage d'avoir un aperçu de la vie sociale dans les villes isolées de l'île du sud. Dans la file d'attente, tout le monde s'interpelle et se bouscule gentiment, l'un pour aller acheter des places, l'autre parler des derniers exploits des All Blacks, ou encore évoquer les nouvelles régionales. Contrairement aux grands cinémas froids des mégapoles, on se sent doublement anonyme dans cette ambiance chaleureuse. Comme une pièce rapportée dans une réunion de famille. On aurait l'impression d'être comme en trop si les gérants de la salle n'avaient la bonne idée de proposer pour les séances de cinéma des pâtisseries encore chaudes préparées dans l'arrière-boutique (dont de sublimes cookies chocolat blanc-gingembre), des verres de vin de la région ou encore des chocolats chauds. Les odeurs sucrées et revigorantes en hiver convaincront rapidement le plus timide des vacanciers.
La salle est modeste et l'écran est à peine plus grand qu'une porte de garage, mais c'est la décoration qui finit de séduire. En effet, en lieu et place des traditionnelles rangées de fauteuils ont été installés, le tout joyeusement dépareillé : canapés profonds, fauteuils-clubs défoncés, transats, rocking-chairs et même une vieille Coccinelle Volkswagen décapotable, confortablement réaménagée. Vous rajouter à cela un entracte pour refaire le plein de cookies au milieu du film et une salle qui rit et s'exclame aux éclats pour avoir une soirée réussie où le spectacle est tout autant à l'écran qu'autour de vous.
C'est peut-être un bon exemple de la chaleur des habitants de l'île du sud qui nous a souvent été vantée au nord.


Le lendemain matin nous profitons d'une journée superbe pour nous mettre en chemin à la recherche d'un sentier, qu'une fois de plus nous ne trouverons jamais, la voiture étant une fois encore nécessaire pour y arriver et les cartes de l'office du tourisme ayant une échelle des distances fantaisiste.
Qu'à cela ne tienne nous traversons des prés aux moutons farouches, pour finir par longer le lac Wanaka, jusqu'au centre ville.












Nous aurions pu également participer à la longue liste d'activités diverses, dispendieuses et polluantes proposées à Wanaka comme : le saut en parachute au dessus du lac, le saut à l'élastique au-dessus d'un ravin à quarante-cinq minutes du centre-ville, la traversée du lac en jet-boat, un survol des montagnes en "coucou" ou en hélicoptère, une ballade dans la nature en... quad, ou tout simplement comme tout le monde une demi-heure de route pour aller descendre les pistes de ski en fluo. Fauchés comme nous sommes, nous avons
consciencieusement évité toute ces dépenses. Pas un kayak ni un vélo de loué, nous nous  en sommes tenus à nos guibolles. À en croire pourtant les offices de tourisme, les guides et le moindre panneau dans la ville, la Nouvelle-Zélande ne se découvre vraiment qu'après avoir consommé autant de carburant qu'un avion lors d'un vol transatlantique et dépensé le PIB du Quatar...

Cet aspect du tourisme à Aotearoa nous a vraiment frappé une fois entré dans cette région des lacs, où le tourisme dit d'"aventure" et beaucoup de "sport extrêmes" sont nés, tel le bungee, ou saut à l'élastique. Les activités "gratuites", les randonnées si elles existent, sont assez peu mises en avant. Peu d'effort est fait pour vous donner un accès à partir du centre-ville pour ces circuits, alors que 50 navettes par jour vous emmènent directement à l'usine de saut à l'élastique ou d'escalade sur glace.

 Nous évoquerons encore ce point dans notre prochain billet, pour la suite de nos aventures à... Queenstown.

Touriste fauché!
Idem
Une activité gratuite
                             

lundi 12 décembre 2011

Archiduc dans la brume

Ka Roimata o Hinehukatere est le nom donné par les Maoris au glacier Franz Josef. Il tire son nom d'une légende voulant que la belle Hinehukatere, grande amatrice d'escalade, entraîna un jour son amant, Tawe, dans l'ascension d'Aoraki (le mont Cook), dont le nom signifie "Crève-Nuage". Montagne sacrée chez les Maoris, lien entre les mondes naturels et supernaturels et lieu Tapu, ils provoquèrent  la colère des dieux par leur impudence. Ces derniers précipitèrent alors l'inexpérimenté Tawe dans un ravin, laissant Hinehukatere pleurer son amour disparu. Les torrents de larmes versés par l'amante au coeur brisé finirent par former en gelant une longue langue de glace descendant dans la vallée.

Les Européens, quant à eux, s'en remirent à l'explorateur Prussien Julius von Haast pour nommer ce glacier en 1865, ce qu'il fit en hommage à l'empereur d'Autriche-Hongrie de l'époque : Franz-Joseph Ier.




Fort de cette légende et aussi surtout de cet impressionnant phénomène naturel, le petit village de Franz-Josef (350 habitants) attire chaque année pas loin de 250000 visiteurs par an. Également porte d'entrée pour la région des lacs et étape reposante nous avions bien entendu mis cet arrêt dans notre agenda.

Vue du glacier Franz-Josef


Idem,  mais l'été


C'est comme ça qu'après 9 heures de bus nous arrivâmes en fin d'après-midi dans un Franz-Josef vide, entouré de hautes montagnes enneigées, définitivement heureux de nous dégourdir les pattes. L'accueil à l'auberge de jeunesse fut simple et chaleureux, tout en étant très bon marché. Nous recommandons donc un arrêt au Glow Worm Cottage, qui offre chaque soir une soupe chaude, à la recette parfois surprenante, mais toujours réconfortante. Ce nous fut d'autant plus utile, que passé une certaine heure, il est parfois difficile de faire ses courses dans un village de 350 habitants.





La fatigue du voyage commence peut arriver vite après plusieurs de bus et il est alors tentant de remettre le programme d'exploration au lendemain ou aux calendes grecques. C'est un peu ce qui nous est arrivé à Franz-Josef, comme quoi il est parfois nécessaire de s’aménager des pauses dans les vacances. Surtout quand on visite les "Wetlands" et qu'il pleut à torrent toute la journée prévue pour la visite. 
Pointant de temps en temps le nez dehors, sans grande conviction, entre deux averses,  nous profitâmes ainsi du confort de l'auberge sans grands remords la majeure partie de la journée. L'héroïsme d'une traversée de la Nouvelle-Zélande vint  se noyer là, dans les sables mouvants de la flemme. 
Poussés cependant par la culpabilité de ne rien avoir visité et lassés par les victoires systématiques d'Émilie au scrabble nous nous mîmes en route.

Rien ne nous encourageait à la vaillance au vue des brumes épaisses, donnant un aspect mystique à la végétation et aux montagnes alentours. On comprenait mieux le choix de la Nouvelle-Zélande pour filmer la "Terre du milieu". Émilie quant à elle, évidemment, ne voyait pas, ceux qui la connaissent comprendront...





La nuit approchant nous essayâmes de calculer au mieux notre itinéraire pour réussir en deux heures de marche rapide l'aller-retour vers le glacier. Il a bien sûr fallu qu'on se trompe de tournant tout de suite à la sortie du village et qu'on s'en aperçoive une fois bien paumé, avec pour une fois des responsables des parcs nationaux pas très coopérants et un système de fléchage ambiguë. Ce qui nous valût de continuer notre petite ballade dans le Mordor, où, malgré tout ce qu'on en dit, on peut rentrer assez facilement. 




La pluie, la lassitude du voyage et une auberge particulièrement chaleureuse eurent ainsi raison de nos velléités  exploratrices : les larmes de Hinehukatere nous échappèrent! Cet épisode nous montra une fois de plus qu'en Nouvelle-Zélande mieux vaut ne pas être piéton, à moins d'être prêt à faire un tour de glacier en hélicoptère, grande attraction du village. On peut faire ainsi beaucoup de choses en bus, mais il y aura toujours un moment où ça sera plus simple de suivre la route.

Qu'à cela ne tienne nous fîmes nos bagages dès le lendemain, nous arrachant à la douce torpeur du Glow Worm Cottage pour cette fois partir à l'assaut des vraies montagnes et des vraies lacs d'altitudes. Pas de ceux qui se cachent derrière d'épais manteaux de brouillards.

À noter que sur la route le car fit plusieurs arrêts pour nous montrer les merveilles de la forêt  tempérée humide (rainforest). Nous étions pour une fois loin des forêts tropicales habituelles de Nouvelle-Zélande. Cette végétation particulière à la côte ouest de l'île du sud, nous sembla étrangement européenne, mais avec des arbres recouverts d'une mousse filiforme, qui, étant perpétuellement humide, scintillait au moindre rayon de soleil. Les vapeurs de brume montant dans l'air combinées à ces milliers d'arbres féériquement illuminés força pendant un moment le silence chez les passagers. La cascade au bout du chemin brisa ce moment et ramena tout le monde à ses bavardages.









Prochaine étape : les lacs!